
Instabilité chronique de la cheville
I- Introduction:
a- Définition:
Il s’agit de l’instabilité observée au niveau des chevilles, plus communément nommée “Instabilité de cheville “qui correspond à un manque de stabilité bien localisé.
L’instabilité chronique de cheville correspond à une réduction de la capacité d’un individu à stabiliser l’articulation de la cheville en inversion. L’instabilité est associée à la fois à une instabilité mécanique (laxité ligamentaire) et à une sensation d’instabilité. ( source IRBMS)
Dans ses formes débutantes, cette instabilité est généralement observée sur des sols irréguliers ou lors de certaines activités physiques. Ces instabilités peuvent survenir à n’importe quel moment et se manifester dans des formes plus ou moins graves avec pour conséquences, dans certains cas, la sensation d’insécurité permanente. Ce phénomène, pour lequel il n’y a pas forcément de douleur associée, peut entraîner une appréhension qui conduit le patient à stopper ses activités sportives (ref3).
b- La classification:
S1: il n'y a pas de rupture complète du ligament talo-fibulaire antérieur.
S2: rupture partielle du ligament talo-fibulaire antérieur.
S3: rupture totale du ligament TFA et atteinte des deux autres associés ou non à un arrachement osseux (ref18).
II- Causes et mécanismes:
Les causes de “l’instabilité chronique de cheville “ sont généralement :
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l’absence de prise en charge, voir une prise en charge non adaptée, après une ou plusieurs entorses de cheville. (Instabilité acquise) (ref1,2).
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une mauvaise cicatrisation des faisceaux du ligament latéral externe et cela malgré un traitement adéquat.(Instabilité acquise)(ref4,5,11).
-
une cause génétique (hyperlaxité constitutionnelle).
Le mécanisme de l’entorse :
L’entorse la plus fréquente est l’entorse latérale de cheville. Le pied “chute” vers l’extérieur, l’arrière pied se met en varus. Le pied fait un mouvement d’inversion mettant en tension excessive les ligaments : talo-fibulaire antérieur (TFA), calcanéo-fibulaire et le talo-fibulaire postérieur.
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Epidémiologie:
Les entorses de cheville représentent environ 6000 cas par jour en France. L’entorse externe représente 9 entorses sur 10, soit environ deux millions de cas par an en France (ref16).
III- Prise en charge d’une entorse:
Prise en charge médicale:
Mise en place du protocole RICE:
R: repos. I: ice, froid. C: compression. E: élévation.
Utilisation des critères d’Ottawa. Ces critères permettent de pratiquer une radio dans les cas appropriés.
La radiographie de la cheville ou du pied indiquée si présence d’un des signes ou symptômes suivant:
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Douleur malléole interne ou portion postérieure de la malléole (sur 6 cm)
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Douleur malléole externe ou portion postérieure de la malléole (sur 6 cm)
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Incapacité de mise en charge et de faire 4 pas (immédiatement et lors de l’examen)
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Douleur base du 5e métatarse
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Douleur os naviculaire
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Douleur “mid-foot” (médio-pied) (ref17).
La prise en charge médicale souvent propose de :
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Stabiliser la cheville avec des moyens orthopédiques (strapping, chevillière ou chaussure montante). Ces dispositifs temporaires ne permettent que de stabiliser momentanément la cheville (ref6,7,8,9)
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D’envisager la rééducation pour renforcer les muscles stabilisateurs actifs de la cheville (ref6,7,8,9).
La prise en charge chirurgicale propose :
Dans les cas les plus graves, un traitement chirurgical de type ligamentoplastie qui sera adapté selon le cas afin de stabiliser la cheville (ref10,12,13,14,15).
IV-La prise en charge paramédicale lors de l’instabilité :
L’instabilité chronique nécessite une prise charge pluridisciplinaire.
a-Rôle des ostéopathes:
Avant d’évoquer l'instabilité de cheville, l'ostéopathe peut intervenir sur les entorses aiguës afin de diminuer la douleur, éventuellement minimiser un œdème et améliorer l’amplitude de mouvement de la cheville.
Une étude, sur le sujet, tend à montrer qu’une seule séance, dans un service d’urgence, aurait un effet significatif sur ces critères.
Une telle prise en charge peut-être intéressante dans le but de favoriser la récupération et faciliter les prises en charge médicale et en kinésithérapie. Rappelons nous qu’une entorse mal prise en charge peut être source d’instabilité de cheville (ref17).
En cas d’instabilité de cheville, l’ostéopathie, bien qu’elle ne s'inscrive pas dans le parcours de la santé, peut être un bon complément.
La prise en charge ostéopathique participe au traitement en travaillant sur la mobilité des articulations de la cheville, du pied mais également sur le genou et le bassin si nécessaire. Un autre axe de travail consiste à intervenir sur les insertions de certain ligament et tendon à but proprioceptif afin de faciliter la stabilité des membres inférieurs.
Aujourd’hui plusieurs études, dans le cadre de la prise en charge en thérapie manuelle sur l’instabilité de cheville, tendent à montrer une amélioration sur la douleur quand elle est présente. Les mêmes effets sont observés pour l'œdème, pour les stabilités ainsi que sur l’amplitude des mouvements (ref18,19,20,21).
Dans un premier temps, le praticien ostéopathe procède à un questionnaire (anamnèse) dans le but d’établir un bilan complet de l’état de santé du patient lui permettant, à l’aide de tests différentiels médicaux d'orienter si nécessaire vers d'autres professionnels de santé.
Cet examen initial permet également de détecter et cibler des zones faibles pouvant être facteur d’instabilité.
Dans un second temps, il effectuera des tests ostéopathiques afin de déterminer les zones à travailler en fonction des besoins du patient.
L’ostéopathe pourra être amené à utiliser différents types de techniques articulaires, fasciales, nerveuses, vasculaires.
L'ostéopathe pourra compléter sa prise en charge par des conseils et exercices recommandés dans les études.
Que ce soit avant ou après des séances de rééducation ou même la mise place de semelles orthopédiques, la prise en charge Ostéopathique peut être judicieuse.
b- Rôle du podologue:
Le podologue intervient en cas d’instabilité de la cheville. Il participe au traitement en donnant des conseils et par la fabrication de semelles orthopédiques adaptées au patient.
Lors de l’examen clinique le podologue recherche dans quel état général se trouve l’articulation de la cheville, quels sont les troubles statiques et dynamiques et si il y a une asymétrie entre les deux pieds.
Examen clinique en décharge :
Le podologue inspecte le pied à la recherche d’un éventuel œdème résiduel en arrière de la malléole latérale.
Puis il va mobiliser le pied:
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Mobilisation de l’arrière du pied en varus pour tester l’efficacité du faisceau moyen.
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Il teste la supination du médio-tarse pour tester le ligament transverse du tarse et du médio-tarse.
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Test du tiroir antérieur.
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Translation anormale du talon par rapport à la jambe. Toujours en comparaison avec l’autre membre inférieur. En cas de grand tiroir antérieur , il y a au minimum une atteinte du faisceau moyen du ligament collatéral latéral.
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Vérification aussi de la laxité interne avec un mouvement en valgus de l’arrière pied.
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Testing des tendons du court et long fibulaires.
Les fibulaires passent en arrière de la malléole latérale. Le court fibulaire se termine sur la styloïde du 5e métatarsien et le long fibulaire se termine à la partie médiale de l’avant pied au niveau de la tête du 1er métatarsien.
Ils stabilisent la cheville et limitent le mouvement en varus.
Pour tester le court fibulaire ou péronier, le praticien demande au patient de faire une éversion et le praticien fait une opposition manuelle à ce mouvement. (testing toujours des deux chevilles).
Pour tester le long fibulaire, le praticien demande au patient de remonter le pied vers l’extérieur tout en s’opposant à ce mouvement.
Le praticien vérifie également que les tendons passent en arrière de la malléole latérale pour écarter le diagnostic différentiel de la luxation.
Dans un deuxième temps le podologue étudie le patient en charge, debout sur un podoscope puis la façon de marcher du patient.
Quels sont les facteurs d’instabilité à rechercher, le patient debout sur un podoscope ?
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une diminution de la surface d’appui : pieds creux
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un arrière pied en valgus ou en varus
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une empreinte plus importante d’un côté.
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une supination excessive du pied ou une pronation excessive.
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des zones d’hyper appuis.
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en appui unipodal, le patient manque de stabilité.
A la marche, le patient a une chute de l’arrière et du médio-pied en dedans ou alors il marche sur les côtés des pieds, en supination. Il peut aussi alterner une chute en dedans du pied puis un appui sur l’extérieur : il hyper-corrige.

Exemple d’un patient de 56 ans:
Sur cette image nous pouvons voir la bande externe du pied gauche qui est au premier appui absente alors que au deuxième et troisième appuis elle apparaît. ce qui est caractéristique d’un appui instable.
Exemple d’un patient de 26 ans:
Le phénomène est quasiment identique au niveau du pied droit.
Action des semelles orthopédiques :
Le but de la semelle est de stimuler les capteurs proprioceptifs du pied et de stabiliser la cheville en évitant les mouvements de valgus et de varus excessifs. Les ligaments distendus ont besoin de maintien. L’orthèse plantaire (classique ou thermoformée)va répartir les charges. Elle se compose d’un anneau talonnier qui a pour but de faire une cuvette au niveau du calcanéum. Le bord latéral du pied est maintenu jusqu’au cuboïde, ceci permet dès le rabattement du pied au sol ( 15-30% de la marche) une stimulation du bord latéral du pied par stimulation des capteurs. Un maintien de la voûte plantaire semi-rigide permet de limiter la chute valgisante du médio-pied. Une semelle orthopédique permet un semi-maintient au niveau de la cheville en limitant les mouvements parasites du pied tout en stimulant la proprioception de celui-ci. En aucun cas elle ne doit bloquer les mouvements articulaires naturels. Son efficacité est totale lorsqu’un travail manuel est effectué en parallèle avec un ostéopathe et un kinésithérapeute.
Les semelles orthopédiques vont donc permettre de modifier l’appui du pied au sol.
En augmentant la surface d’appui ou en utilisant des éléments pour diminuer les troubles statiques de l’arrière pied et/ou du médiopied (ref16).
Dans le cas de l’instabilité chronique de cheville, les semelles pourront être modifiées dans le temps, en fonction de l’évolution de la marche et du ressenti du patient.
Il est préconisé de faire un bilan en général une fois par an ou lorsque le patient ressent que les semelles ne sont plus aussi efficaces. Les matériaux s'usent avec le temps et les contraintes, de plus le corps est en perpétuelle évolution.
L’entorse de cheville est une pathologie fréquente qui doit être prise en charge rapidement. L’instabilité chronique qui peut en découler nécessite un travail pluridisciplinaire des professionnels de santé mais aussi un travail du patient qui doit être acteur de son traitement.
Nous avons rédigé cet article en collaboration avec Quentin Goursaud et Antoine Nouvel, tous les deux Ostéopathes au 29b rue du martroy 91610 Ballancourt sur Essonne.
Et nous les remercions chaleureusement car cette rencontre fut un vrai plaisir ! :)
Références :
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Ordre des réf dans le texte :
3/18/1/2/4/5/11/16/17/6/7/8/9/10/12/13/14/15/19/20/21